ISBN 978-2-37163-034-5
code Humensis : 37163034
photographies Noir et blanc
format : 25 x 20
Pages 166p
Prix 25 €
parution / janvier 2020
collection :photographie
Ni noirs ni blancs bien au contraire
La couleur n’est pas une qualité, ni la noire, ni la blanche.
Tous les hommes sont différents, tous les hommes sont
égaux et surtout les femmes. Assez de ces jérémiades, ces
petits drapeaux étriqués, ces populismes minables, ces rodomontades
suffisantes, ces camps retranchés. Il faut de tout
pour faire un monde et il est grand temps de s’aimer, mon
frère.
Aujourd’hui, à l’automne de notre vie, nous avons tellement
reçu des autres sur les chemins de traverse, que nous avions
envie de témoigner, même s’il est difficile de parler de soi.
Nous avons cherché dans un désir fusionnel « la carte qui est
si délirante qu’on n’aura plus jamais besoin d’une autre... ».
Sac-à-dos pataugas, autostop, un rif de blues dans la tête
pour tout bagage, non pour fuir mais curieux de tout. Nous
voulions voir, découvrir le monde, danser avec les chamans
et courir avec les chameaux. Nous avons rencontré l’Auvergnat
de Brassens, la fille du Nord de Dylan, les compagnons
de Woody Guthrie, l’aura d’Ali Farka Touré, le copain de
Pékin, le docker de Suez et le coolie de Hanoi… Nous avons
voyagé, jouisseurs, comme des musiciens, tantôt seuls tantôt
rencontrant des big bands entrelaçant des notes de toutes les
couleurs, prêts à toutes les improvisations, toutes les surprises
qu’offraient nos rencontres. Nous nous sommes mis « en disponibilité
par rapport au hasard ». Un méli-mélo, comme la vie.
Nous voulions vivre, toucher le monde avec tous les sens
pour le comprendre, le ressentir, le partager par le texte et
l’image. Nous sommes des chercheurs d’amitié, derniers
photographes avant l’autoroute.
Je n’ai jamais pu lire un mode d’emploi, si ce n’est la dernière
page qui me faisait comprendre que je ferais mieux de commencer
par le début.
Alors photographes ? Sûrement, peut-être un petit peu, mais
traversés par la musique, la littérature, la peinture, le silence
du grand Sahara que nous allons parcourir, vivre, dans tous
les sens pendant des années, les rythmes tonitruants des tambours
vaudou, le son de l’imzad touareg, les musettes du
Berry. Nous nous endormions sous une cathédrale d’étoiles
avec le chant des tourterelles le soir au crépuscule, lorsque
la brousse s’éteignait. T’en souviens-tu ? Touches à tout, clochards
célestes dans le doute permanent, un besoin de partage
comme une évidence d’humanité. Pour l’ego, ça fait
curieux. On brouille les pistes avec une signature commune.
Qui fait quoi ? Va savoir ! Nous avons toujours eu beaucoup
de mal à nous mettre dans une case.
Bernard est claustrophobe, Catherine a le vertige. Tu parles
d’un couple. Et pourtant...
Notre rencontre avec Pierre Verger fut déterminante. Il ne
fut ni un père, ni un maître, il nous offrit son amitié pendant
plus de vingt ans, c’est tout. Lorsque je m’occupais du service
audiovisuel du Centre culturel français de Cotonou au Dahomey
en 1972, il est venu demander un groupe électrogène
pour le tournage qu’il produisait avec la réalisatrice Yannick
Bellon : Africains du Brésil, Brésiliens d’Afrique. Nous ne nous
som mes plus quittés. Il partageait nos plats de nouilles à la
maison en compagnie de Balbino, prêtre de Shango de Salvador
de Bahia. Lors de ses séjours à Paris, il venait chez nous
et les enfants lui sautaient sur les genoux. Il racontait des histoires
merveilleuses et nous retrouvions souvent ensemble ses
amis Gilbert Rouget, Paul Mercier. Après les années fac, à Nanterre
en 1968, si nous savions bien ce que nous ne voulions
pas, nous étions pour le moins indécis pour notre futur. Il
nous a donné confiance en nous : « Vous en savez tout autant
que les “chiantifiques” », disait-il malicieusement. Nous n’avons
jamais parlé avec lui de photographies, ou si peu.
Tout naturellement nous nous sommes orientés vers le journalisme,
le grand reportage au long cours, alternant les sujets,
avec l’idée d’en faire des livres. Aujourd’hui, nous y ajoutons
des films comme Kankan Nabaya, la ville de l’hospitalité de
notre fils Eric, réalisateur. Nous avons idée de donner du sens
au monde, l’Europe n’en étant pas le centre. Concernés, nous
nous impliquons autant que faire se peut, essayant de détricoter
la pensée toute faite, de faire un pas de côté, de s’enrichir
des autres si différents, et c’est tant mieux. Imaginez un
monde où tous penseraient pareil, quelle tristesse !
Passeurs,nous écoutons beaucoup : la Loire, les Touaregs et le grand
Sahara, le vaudou, le monde rural, une Afrique plurielle, l’environnement...
Nous récoltons de nombreuses et vraies amitiés.
Au retour de longs voyages, l’on nous disait dans les
rédactions : « Racontez-nous ce que vous avez vu et compris »,
puis, peu à peu, nous avons vu apparaître les écoles de journalisme,
les contrôleurs de gestion, la marchandise, le marketing,
les chefs de rubrique, le rewriting. La presse est passée
de l’information à la communication. Hélas !
Nous avons rassemblé ici quelques images, pour beaucoup de
nos débuts. Comme des petits cailloux, elles jalonnent notre
parcours. Ce ne sont pas de « jolies » photos. Nous avons provoqué
ce face à face imaginaire que nous portons en nous, l’un
et l’autre. Un double je. Je me regarde dans la glace et j’en vois
un autre, je vois l’autre et je me reconnais. Étonnant, non ?
Stop, j’ai un peu tendance à spéculer, à me poser des questions,
à chercher des réponses, à pomper l’air, je voudrais
éviter de grands phrases fumeuses, garder en silence le seul
discours de ces images et de leurs courtes légendes pour que
chacun puisse se les approprier, voir le monde à hauteur
d’homme, sa diversité et sa richesse. « Restituer plutôt que
prendre une photo » aimait dire Michel Tournier.
Certaines nous renvoient à des temps anciens où l’on faisait
des boulettes à l’école, ainsi qu’aux pays qui ne sont lointains
que pour les autres. Il ne s’agit ni de nostalgie, ni d’exotisme,
ni d’ethnologie, mais d’une richesse qui nous fait vivre au
quotidien. Quelques amis ont bien voulu nous prêter leurs
mots. Nous sommes fidèles en amitié.
Témoignage de David Diop, qui ouvre ce livre, est le premier
poème africain que j’ai lu. J’étais jeune, j’ai été bouleversé. Je
le suis toujours. Cet enfant, en vis à vis, est une de nos premières
photos lorsque nous débarquons au Dahomey en 1972.
Je dis bien nous, car la photographie se nourrit du vécu et
libère l’inconscient. « La musique, ce n’est pas que des notes » dit
le pianiste Keith Jarrett. La photographie non plus !
À chaque fois que nous partons en reportage, en Afrique ou
ailleurs, on nous souhaite : « Bonnes vacances ! »
Bienvenue chez vous.